La base sociale de l’actuel pouvoir en Russie n’est certainement pas populaire et prolétarienne mais doit-on pour autant considérer que nous avons affaire à un régime contrôlé par une oligarchie capitaliste et impérialiste cherchant à rivaliser avec l’impérialisme américain comme le soutiennent beaucoup de marxistes puristes occidentaux, en particulier des trotskystes vieillissants qui semblent vouloir poursuivre coûte que coûte leur vieille guerre contre le fantôme de l’URSS stalinienne ? Les contradictions entre la Russie, ses alliés et les puissances occidentales doivent-elles être replacées dans le contexte d’une contradiction inter-impérialiste ? Ou ne doit-on pas réintroduire les notions de bourgeoisie nationale par opposition à celle de bourgeoisie compradore dans un contexte où les élites possédantes de Russie se trouvent dans une position de rattrapage, d’infériorité et de périphérie que l’on peut assimiler à une situation pas très éloignée des modèles de décolonisation ?
Si tel est le cas, quel est le rapport de cette bourgeoisie nationale avec non seulement le Parti communiste — premier parti d’opposition mais qui soutient la politique de défense de la souveraineté nationale —, mais aussi les autres composantes de la société russe, la classe ouvrière intéressée par une politique de réindustrialisation, la paysannerie souhaitant une politique de protection de l’État, les classes de services allant de l’armée aux services publics dont le développement est lié à la reconstruction de la puissance étatique, etc. ? Autant de groupes sociaux qu’on trouve partout dans le monde mais qui, dans le cas russe et des autres puissances émergentes, peuvent espérer s’appuyer sur un État potentiellement fort, alors qu’à l’Ouest, l’État est depuis longtemps monopolisé par les intérêts des bourgeoisies impérialistes qui marginalisent les autres classes sociales, sans retour possible dans le cadre du système existant.
La nouvelle Russie est-elle de droite ou de gauche?
BRUNO DRWESKI
9 euros
76 pages
Référence : 978-2-915854-92-3
capitaine haddock
c’est totalitèèèèère … mais que fait le ” monde libre ” ?
Sébastien Lemoine
La Russie est une société type communautaire depuis des siècles. Un état fort, une religion/idéologie puissante et une collectivité/collectivisme ancestrale en sont les piliers et ne font qu’un. C’est le cas de tous les pays communistes du XX.
L’affaiblissement de l’idéologie par Khrouchtchev et Gorbatchev fut un affaiblissement de l’état générant la formation d’un ‘facteur de trahison’ qui est partie des cadres pour s’insinuer de manière pervasive dans toute la population dans les années 80. Et, la destruction de l’état par Eltsine fut la destruction de la collectivité (de la société globale) avec comme conséquence de ce que je nomme un génocide silencieux suite à la mortalité astronomique, et une libéralisation de l’économie noire (capitaliste) de la mafia. Poutine en a limité les dégâts et stoppé le phénomène de destruction mais sans revenir sur des bases idéologiques fortes.
Contrairement à l’occident, le Russie n’a pas eu de Renaissance comme en occident. Pourtant, il y eu un développement du progrès (technique), mais surtout de la modernité (autorité d’avenir) contrairement à l’Iran avec son progrès et son traditionalisme (autorité du passé). Chez nous, depuis la Renaissance, le progrès est lié au privé de la propriété soit à l’esclavagisme, au capitalisme et à l’impérialisme soit à la sphère professionnelle aliénée au Privé de la propriété des moyens de production et de services. La pression sociologique caractérisé par la lutte des classes a généré la modernité et le progressisme (social). La source du communisme chez Marx est dans la sphère professionnelle par l’abolition du Privé.
Bien que Lénine ait voulu motiver des milieux de production comme en Occident, cela n’a pu se faire dans les conditions historiques du moment avec la sphère sociologique de l’Empire tsar très peu modernisée ou alors de manière embryonnaire. La vision du développement du socialisme par Lénine était réaliste même pour un pays ultra-féodalisé sur un ou deux siècles de stabilité historique mais pas en pleine crise historique (1914-1945; 1952-1984).
Il s’en est retrouvé que la source du communisme de l’URSS et des pays communistes du XX est la sphère communautaire avec son état fort, son idéologie puissante et sa collectivité/son collectivisme. Il y eu passage d’une sphère communautaire type ultra-féodale (Empire – traditionalisme – autorité du passé) à une sphère communautaire type moderne (Communisme – progressisme – autorité de l’avenir).
La transformation la plus profonde est l’industrialisation qui n’a pu se faire à outrance sous-couvert de la collectivisation de 1929, mais aussi l’extension sur tout le territoire du pouvoir populaire mais qui dans le condition de crise historique (guerre civile mondialisée) s’est caractérisé en pouvoir d’éliminer et soumettre son voisin ou ses proches. La lutte individuelle d’ascensions sociale et de perpétuation des positions sociales était au summum dans les années 30. Ca donne une vie quotidienne glauque (soulographie, fainéantise, débrouillardise) et stricte (esthétisme de haut niveau) quand la pression historique est extrême comme ce fut le cas au XX.
Sociologiquement, la faiblesse en est la production de bien et de confort puisque l’usine ne sert pas à la production mais à la cohésion sociale. L’économie noire (capitaliste) était légion chez les marchands et la mafia. Le seul milieu de production analogue à ceux chez nous fut le goulag, un phénomène historique (temps court et bref) lié à la crise historique et non à la société, ni à l’idéologie contrairement à chez nous (phénomène sociologique – temps long et pérenne). La force en est l’armée, la science et l’éducation. D’un point de vue historique, la forme communautaire de la société est un véritable bastion (sacrifice, entre-aide, abnégation). Napoléon dans la campagne de Russie, Hitler dans sa colonisation à l’Est et les Américains en Indochine s’en sont cassés les dents.
L’URSS est la première société type communautaire moderne mais progressiste (autorité d’avenir). Après guerre, il est naturelle que les mouvements de décolonisation ait pris la même voie de développement révolutionnaire puisque toutes les sociétés colonisés sont toutes des sociétés types communautaires. Les milieux de productions coloniaux s’apparentaient plus à un milieu de concentration qu’une usine en Europe. Il fallait donc détruire cette sphère du colonialisme, pas même l’abolir comme on doit le doit chez nous selon Marx, mais la supprimer pour repartir sur les bases naturelles de la société soit sur la collectivité mais aussi un état fort et une idéologie puissante.
Le problème est que l’idéologie communiste du XX est liée à la crise historique. C’est une idéologie de guerre civile mondialisée (1914-1984) mais qui a totalement perdu de sa potentialité aujourd’hui (du moins elle est encore importante en Corée du Nord à cause des pressions de l’Empire, et peut-être moins à Cuba aujourd’hui).
D’où l’importance de revenir sur l’origine du communisme selon Marx dans notre société type professionnel (abolition du privé de la propriété, citoyenneté concrète partout) et de promouvoir une nouvelle idéologie pour la collectivité comme celle d’Alexandre Zinoviev (nouvelle utopie -> autorité d’avenir) qui s’inspire du communisme de Thomas more (communauté), du socialisme de Saint Simon (biens de production partagé), de Destut de Tracy (idéologie moderne type matérialiste) et des Lumières (L’homme nouveau). J’appelle ‘communisme individuant’ cette nouvelle idéologie et cette praxis issus des études de Marx et Zinoviev.
Alexandre Zinoviev a théorisé les phénomènes communautaires quand le communalisme est apparu de façon extrême au XX. Il use sur sa société de la même méthode scientifique que Marx qu’il a utilisé sur la société capitaliste du XIX : la méthode du passage de l’abstrait au concret, une méthode historique à la fois matérialiste et dialectique. De retour en Russie, il a adhéré au PC russe, devenu un parti politique démocratique comme chez nous et non plus le Parti. Il y soutenait un état fort et une idéologie puissante qui sont en effet les bases de vie de toutes sociétés types communautaire.
Ce n’est donc pas en partant du point de vue occidentale et des catégories de notre société qu’il faut partir pour comprendre pourquoi Poutine est soutenu dans la volonté d’un état fort. Contrairement à chez nous, l’état des sociétés type communautaire ne fait qu’un avec la société. Chez nous l’état ne caractérise pas la société globale mais le privé de la propriété des moyens de production. D’ailleurs tous les pères de la constitution américaine sont tous propriétaire d’esclave.
Poutine reste un conservateur avec une nostalgie d’avant la révolution avec son traditionalisme et sa religion orthodoxe puissante. Il reste dans cadre communiste mais seulement d’un point de vue structurel : l’état moderne fort. D’un point de vue idéologique, Poutine est des plus faibles. Et, ce n’est pas la Foi qui va sauver le monde.
Or, dans une société type communautaire état, idéologie et collectivité sont en relation dialectique.