Hegel avait vingt ans à la Révolution française et la quarantaine à la Restauration. Ceci le rend terriblement actuel, car de ce fait la question qui l’a hanté est aussi la question qui nous ronge aujourd’hui : pourquoi la pensée s’accommode d’un tel retard par rapport à la vie ? Pourquoi ce scandale : ce qui devrait être (socialement) selon tous, n’est pas ce qui est, et, qui plus est, rétrograde, hier de la Révolution à la Restauration, aujourd’hui du communisme, de l’État social, de la décolonisation au capitalisme totalement débridé de la crise et au néocolonialisme ? Chacun vit avec cette tension aporétique en lui enfouie et en cherche, parfois à son insu, confusément la résolution. C’est que cette question ne se laisse pas facilement théoriser. Et c’est l’immense mérite de Hegel de l’avoir initié pour nous.
« Hegel a voulu penser la vie. Ce désir naissait d’une privation : la pensée théorique manifestait, particulièrement à son époque, un désaccord profond avec la vie. Les intellectuels dévidaient l’écheveau de leurs pensées apparemment intemporelles, que la Révolution française démentait chaque jour. Il fallait que l’intelligence cessât de méconnaître l’existence historique.
La Révolution française posait les problèmes. On n’estimera jamais assez haut son influence sur la pensée de Hegel : elle exhibait ce que d’autres époques avaient dissimulé, l’événement révolutionnaire proprement dit, le renversement brusque et violent des rapports sociaux et politiques établis.
Hegel s’étonnera de cette contradiction : des idées et des sentiments consacrés, les institutions qui les incarnent, les donjons qui les protègent, s’effondrent soudain, alors que la plupart des témoins continuent de croire à leur invulnérabilité, à leur éternité. Dans la poussière des démolitions, on démontre encore rationnellement la pérennité des édifices – et ce sont parfois les mêmes hommes qui manient la pioche du démolisseur et la rhétorique du conservateur !
Hegel cherchera le heurt avec cette difficulté : d’où provient le désaccord de la pensée et de la vie, le retard excessif de la première sur la seconde ? Comment réduire ce décalage, obtenir une réconciliation ? » J. D’Hondt

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Hegel philosophe de l’histoire vivante

JACQUES D’HONDT

451 pages

22 euros

Référence : 978-2-915854-49-7

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