“Pasolini a vu avec le regard du poète l’alliance réactionnaire du libéral et du libertaire”

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Marianne : La pensée de Pasolini fait l’objet d’une vraie redécouverte. Comment l’expliquez-vous ?

Aymeric Monville : Pasolini est davantage lié, dans l’imaginaire français et du fait de la barrière de la langue, à ce que nous en percevons immédiatement : avant tout le cinéaste, aussi génial qu’il fût. En Italie, il incarnait surtout le poète au sens noble du terme, que rend bien le latin “vates”, le poète-prophète. Il nous a peut-être fallu du temps pour comprendre que l’artiste était aussi ce poète-voyant dont parle Rimbaud, un témoin incontournable du tournant des sociétés capitalistes après Mai-68. Il a perçu la déshumanisation, la désanthropologisation de nos sociétés en crise, qu’avait encore masqué l’illusion, entretenue longtemps chez certains, de la “fin de l’histoire” du capitalisme triomphant après la fin de l’URSS.

Pasolini a vu aussi comment la gauche pouvait si bien trahir, notamment quand elle se sert du “sociétal” pour diviser les travailleurs entre eux au lieu de faire de certaines nouvelles libertés le nécessaire complément du progrès social. Par une sorte d’envers dialectique de sa pensée, Pasolini a montré aussi fatalement comment la gauche pouvait renaître. Mais pour l’instant peu l’ont encore compris, il suffit de voir le point d’étiage où nous en sommes actuellement… Peut-on mieux décrire la nécrose actuelle que nous vivons autrement qu’avec ses mots, tirés de ces Entretiens : “L’accumulation des crimes des hommes au pouvoir unis dans l’abêtissement de l’idéologie hédoniste du nouveau pouvoir, tend à rendre le pays inerte, incapable de réactions et de réflexes, comme un corps mort”.

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